Vit et travaille entre Marseille et Toulon
FR : De frasques poétiques aux barrages blessés, ces termes renvoient autant aux lieux éprouvés qu’à la façon dont
l’artiste plasticienne et photographe Jade Maily fait naître ses images.
Partant d’un retour d’observation des territoires, proche de l’enquête scientifique, où la place du récit est centrale, l’attention à l’environnement et l’ensemble de ses constituant donne lieu à des séries hybrides appuyées de gestes photographiques d’écritures et parfois performatives. Entre documentaire et fiction ajouté d’une sensibilité à l’organisation du territoire, le corps de recherche prend racine dans la circulation des sols et de l’eau (sécheresses, inondations, forêts, construction, répartition et privatisation) et aux rapports de communication, de tensions qui s’exercent entre règnes du vivant et du non-vivant.
Faisant le lien entre la naissance de la photographie et de ses dispositifs, au milieu militaire, l’observation du paysage qui l’entoure devient le moyen de rendre visible, sensible ces éléments en jouant des mécaniques de son médium. Par le biais d’allers-retours entre techniques analogiques et numériques, ses oeuvres sont une invitation à porter un regard à la fois contemplatif et critique autour de ses objets qu’elle dit “hybride” et pensés dans les enjeux écologiques et sociaux qu’ils portent. Transmission et soin se font souffles dans une recherche de résistance du sensible.
contact to : jade.maily@gmail.com
english version below ︎︎︎
l’artiste plasticienne et photographe Jade Maily fait naître ses images.
Partant d’un retour d’observation des territoires, proche de l’enquête scientifique, où la place du récit est centrale, l’attention à l’environnement et l’ensemble de ses constituant donne lieu à des séries hybrides appuyées de gestes photographiques d’écritures et parfois performatives. Entre documentaire et fiction ajouté d’une sensibilité à l’organisation du territoire, le corps de recherche prend racine dans la circulation des sols et de l’eau (sécheresses, inondations, forêts, construction, répartition et privatisation) et aux rapports de communication, de tensions qui s’exercent entre règnes du vivant et du non-vivant.
Faisant le lien entre la naissance de la photographie et de ses dispositifs, au milieu militaire, l’observation du paysage qui l’entoure devient le moyen de rendre visible, sensible ces éléments en jouant des mécaniques de son médium. Par le biais d’allers-retours entre techniques analogiques et numériques, ses oeuvres sont une invitation à porter un regard à la fois contemplatif et critique autour de ses objets qu’elle dit “hybride” et pensés dans les enjeux écologiques et sociaux qu’ils portent. Transmission et soin se font souffles dans une recherche de résistance du sensible.
contact to : jade.maily@gmail.com
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Diplômée de l’ENSA Dijon en 2019, année où elle co-fonde la revue d’art participative Fantome avec son collectif éponyme, elle participe à une première résidence à la supérette, nouveau lieu de la maison des arts, centre d’art contemporain de Malakoff la même année. Elle expose au Musée des Beaux-arts de Dole, au Théâtre Nationale de Fécamp (Normandie) pour une exposition personnelle ou encore à la Galerie Interface à Dijon. Elle poursuit sa recherche théorique dans un second Master en Esthétique au sein de l’Université Paul Valéry Montpellier III afin de poursuivre sa recherche théorique autour du médium photographique et assiste le commissaire et philosophe Florian Gaité. 2022 est marquée par deux expositions au Centre Photographique de Marseille, à l’Espace d’art J.de Joigny suivi d’une résidence à la Cité Internationale des arts de Paris avec son projet Tu viens manger à la maison? . En 2023, elle réalise l’acte 3 du protocole de réalisation de ce travail et le présente au Centre Photographique Marseille dans le cadre de la Biennale de la Joliette (Frac Sud) en restitution de sa résidence au CHRS Forbin (dispositif Rouvrir le Monde, DRAC PACA, été culturel 2023).
ARTIST STATEMENT
Dans le travail de Jade Maily, la nature est moins un objet de représentation qu’un moyen d’interroger l’humain. Partant du postulat d’une continuité entre les différents règnes, elle pense la coïncidence de leurs organisations, c’est-à-dire de l’ensemble des rapports de domination, de solidarité, de communication ou encore de transmission communs aux hommes, aux animaux et aux végétaux. Ses œuvres, déclinées dans des formes vidéo, photographiques et plastiques, font ainsi dialoguer nature et culture, mais pour mieux prendre la mesure de l’écart qui s’est creusé entre elles. Sous une apparence naturaliste, elles articulent donc une dimension poétique à un fond plus politique, opérant un glissement entre « rendre sensible » le monde et « sensibiliser » à ses dysfonctionnements. A charge alors pour le spectateur d’opérer ce déplacement ou au contraire de se maintenir en surface, dans une attitude purement contemplative.
Le choix de l’esthétique naturaliste — le spectacle des terres d’Ecosse ou d’une forêt d’hêtres — opère à première vue comme une mise à distance proprement neutralisante dans laquelle Jade Maily s’efface et offre au spectateur l’occasion d’un refuge. Lorsqu’elle pose la question « Dans un monde où tout est bruit, où trouve-t-on le silence ? », il s’agit même pour elle de faire du paysage un point d’accès à l’infini, de proposer à la vue un asile salutaire qui se suffit à lui-même. Entre territoire rural et espace urbain, il lui importe de rappeler combien le lien à l’environnement constitue, aujourd’hui plus que jamais, un puissant remède à la solitude des individus contemporains.
À rebours encore de tout discours explicitement politique, l’écriture intervient comme le moyen d’une mise en narration poétique qui emprunte explicitement ses codes à la fiction. La convocation de personnages et la stratégie de l’adresse directe au public créent ainsi une relation d’empathie qui l’implique plus directement, tout en déréalisant le sujet que ses œuvres abordent. Le recours au registre poétique lui permet également de faire parler l’absence, le non-dit et l’indicible, en regard desquels le souffle — motif privilégié, placé entre désir de respirer et impression de suffoquer — apparaît finalement comme une réponse appropriée. Face à l’urgence de la situation écologie, Jade Maily congédie ainsi tout discours alarmiste au profit d’une forme allusive et suggestive, toute en douceur et subtilité, qui laisse le libre choix au public de se positionner.
Sans s’inscrire dans une démarche militante, Jade Maily pose pourtant les conditions d’un regard critique sur la question écologique, sensible aux thèmes de la déforestation, du changement climatique ou de la pollution visuelle. Elle part le plus souvent d’une expérience personnelle pour ouvrir à des problématiques plus directement politiques, l’histoire biographique étant toujours pensée comme un symptôme de la grande Histoire. Aussi la rencontre avec un forestier devient-elle l’occasion d’évoquer l’assèchement des cours d’eau, et la découverte d’une antenne 4G derrière la maison celle de méditer sur les implications sanitaires des ondes téléphoniques. Avec la vidéo Les oiseaux ont cessé de chanter, elle pousse plus en avant ce principe en organisant le dialogue entre un tableau animalier — des canaris en cage — et le récit de la migration de sa grand-mère qui a fui le franquisme, une façon concise et vibrante de rappeler l’égalité des êtres face au désastre, et l’urgence de former une communauté unie des vivants pour y répondre.
©Florian Gaité, 2017
Dans le travail de Jade Maily, la nature est moins un objet de représentation qu’un moyen d’interroger l’humain. Partant du postulat d’une continuité entre les différents règnes, elle pense la coïncidence de leurs organisations, c’est-à-dire de l’ensemble des rapports de domination, de solidarité, de communication ou encore de transmission communs aux hommes, aux animaux et aux végétaux. Ses œuvres, déclinées dans des formes vidéo, photographiques et plastiques, font ainsi dialoguer nature et culture, mais pour mieux prendre la mesure de l’écart qui s’est creusé entre elles. Sous une apparence naturaliste, elles articulent donc une dimension poétique à un fond plus politique, opérant un glissement entre « rendre sensible » le monde et « sensibiliser » à ses dysfonctionnements. A charge alors pour le spectateur d’opérer ce déplacement ou au contraire de se maintenir en surface, dans une attitude purement contemplative.
Le choix de l’esthétique naturaliste — le spectacle des terres d’Ecosse ou d’une forêt d’hêtres — opère à première vue comme une mise à distance proprement neutralisante dans laquelle Jade Maily s’efface et offre au spectateur l’occasion d’un refuge. Lorsqu’elle pose la question « Dans un monde où tout est bruit, où trouve-t-on le silence ? », il s’agit même pour elle de faire du paysage un point d’accès à l’infini, de proposer à la vue un asile salutaire qui se suffit à lui-même. Entre territoire rural et espace urbain, il lui importe de rappeler combien le lien à l’environnement constitue, aujourd’hui plus que jamais, un puissant remède à la solitude des individus contemporains.
À rebours encore de tout discours explicitement politique, l’écriture intervient comme le moyen d’une mise en narration poétique qui emprunte explicitement ses codes à la fiction. La convocation de personnages et la stratégie de l’adresse directe au public créent ainsi une relation d’empathie qui l’implique plus directement, tout en déréalisant le sujet que ses œuvres abordent. Le recours au registre poétique lui permet également de faire parler l’absence, le non-dit et l’indicible, en regard desquels le souffle — motif privilégié, placé entre désir de respirer et impression de suffoquer — apparaît finalement comme une réponse appropriée. Face à l’urgence de la situation écologie, Jade Maily congédie ainsi tout discours alarmiste au profit d’une forme allusive et suggestive, toute en douceur et subtilité, qui laisse le libre choix au public de se positionner.
Sans s’inscrire dans une démarche militante, Jade Maily pose pourtant les conditions d’un regard critique sur la question écologique, sensible aux thèmes de la déforestation, du changement climatique ou de la pollution visuelle. Elle part le plus souvent d’une expérience personnelle pour ouvrir à des problématiques plus directement politiques, l’histoire biographique étant toujours pensée comme un symptôme de la grande Histoire. Aussi la rencontre avec un forestier devient-elle l’occasion d’évoquer l’assèchement des cours d’eau, et la découverte d’une antenne 4G derrière la maison celle de méditer sur les implications sanitaires des ondes téléphoniques. Avec la vidéo Les oiseaux ont cessé de chanter, elle pousse plus en avant ce principe en organisant le dialogue entre un tableau animalier — des canaris en cage — et le récit de la migration de sa grand-mère qui a fui le franquisme, une façon concise et vibrante de rappeler l’égalité des êtres face au désastre, et l’urgence de former une communauté unie des vivants pour y répondre.
©Florian Gaité, 2017
Placé entre documentaire et fiction, le travail photographique et vidéo de Jade Maily envisage le paysage comme le lieu de révélation des rapports conflictuels qu’entretiennent l’homme et la nature. Liant des problématiques, écologiques, politiques et économiques à des narrations plus biographiques, son œuvre explore les notions de migration, de résistance, de toxicité ou encore de parasitisme. De fragment en vides, la poésie sèche de ses images autorise la construction de récits et de projections plus personnelles, amorces d’une réflexion sur l’emprise de l‘homme sur l’environnement. Sous une apparente neutralité, qui en appelle au premier abord à un regard contemplatif, ses images n’en véhiculent pas moins un regard critique. Dans ses projets réalisés en forêt, l’artiste propose de prendre la photographie comme le moyen de rendre sensible l’entropie du monde, de questionner notre usage de la nature et le chaos auquel nous l’avons promis.
Sa Photographie témoin d'un écran d'un arrêt sur image d'une vidéo performative d'une expérience d'échecs qui n'existe pas dans la forêt décrit un champ de bataille saisi en noir et blanc, et apparaît d’emblée comme un contre-exemple à son esthétique documentaire. Dans ces cette scène chaotique et visiblement surexposée, où les traces humaines, animales et végétales s’indifférencient, la forêt apparaît blessée, brûlée ou abandonnée, potentiellement saisie après une catastrophe. A travers cette œuvre expérimentale, Jade Maily met également en question l’objectivité de son propre dispositif technique : la superposition et l’accumulation des supports multiplient ainsi les médiatisations face au réel pour mieux questionner la légitimité de l’artiste à en rendre compte. Le diptyque Champ de bataille reproduit quant à lui deux fois la même image (une clairière bordée d’arbres filandreux aux allures spectrales), l’une étant le négatif de l’autre sans que l’on puisse déterminer au premier regard laquelle des deux est l’originale. Les contrastes inversement marqués dans l’une et dans l’autre, leur conférant un rendu proche de l’imagerie médicale, dédoublent en effet le point de vue sur un seul paysage, de telle sorte que le public peut faire l’épreuve d’un changement de regard qui met en doute la réalité de ce qu’il voit. En haute définition et en grand format, elles en appellent toutes deux à un regard patient et attentif aux détails, comme un jeu des sept erreurs qui invite le regard à une errance, et par ce biais, à la révision de ses certitudes sensibles.
©Florian Gaité, 2019
pour l’exposition A Forest, Musée des Beaux-Arts de Dole.
Sa Photographie témoin d'un écran d'un arrêt sur image d'une vidéo performative d'une expérience d'échecs qui n'existe pas dans la forêt décrit un champ de bataille saisi en noir et blanc, et apparaît d’emblée comme un contre-exemple à son esthétique documentaire. Dans ces cette scène chaotique et visiblement surexposée, où les traces humaines, animales et végétales s’indifférencient, la forêt apparaît blessée, brûlée ou abandonnée, potentiellement saisie après une catastrophe. A travers cette œuvre expérimentale, Jade Maily met également en question l’objectivité de son propre dispositif technique : la superposition et l’accumulation des supports multiplient ainsi les médiatisations face au réel pour mieux questionner la légitimité de l’artiste à en rendre compte. Le diptyque Champ de bataille reproduit quant à lui deux fois la même image (une clairière bordée d’arbres filandreux aux allures spectrales), l’une étant le négatif de l’autre sans que l’on puisse déterminer au premier regard laquelle des deux est l’originale. Les contrastes inversement marqués dans l’une et dans l’autre, leur conférant un rendu proche de l’imagerie médicale, dédoublent en effet le point de vue sur un seul paysage, de telle sorte que le public peut faire l’épreuve d’un changement de regard qui met en doute la réalité de ce qu’il voit. En haute définition et en grand format, elles en appellent toutes deux à un regard patient et attentif aux détails, comme un jeu des sept erreurs qui invite le regard à une errance, et par ce biais, à la révision de ses certitudes sensibles.
©Florian Gaité, 2019
pour l’exposition A Forest, Musée des Beaux-Arts de Dole.
EN :
From poetic escapades to wounded landscapes, these terms refer both to the places experienced and to the way in which visual artist and photographer Jade Maily creates her images and narrative objects.
Beginning with a return to territorial observation, similar to scientific research in which the role of narrative is central, attention to the environment and all its components gives rise to hybrid series supported by photographic gestures of writing and sometimes performance. Somewhere between documentary and fiction, with an added sensitivity to the organisation of the territory, the research is rooted in the circulation of soil and water (droughts, floods, forests, construction, distribution and privatisation) and in the relations of communication and tension between the living and non-living spheres of the world.
Drawing a link between the origins of photography and its devices and the military environment, his observation of the surrounding landscape becomes a means of making these elements visible and sensitive by playing with the mechanics of his medium. Her work moves back and forth between analogue and digital techniques, reusing materials taken from the very places photographed, from workshop scraps or department store waste. It's an invitation to look at her objects, which she calls 'hybrids', in a way that is both contemplative and critical, and to reflect on the environmental and social issues they raise. From the forests of the Morvan, to the construction of large housing estates in the 1960s, to the building of hydroelectric dams in the Iberian Peninsula under Franco's regime, to the exile of families, transmission and care become a breath of fresh air in a search for the resistance of the sensitive, for the urgency of a photographic habitat.
From poetic escapades to wounded landscapes, these terms refer both to the places experienced and to the way in which visual artist and photographer Jade Maily creates her images and narrative objects.
Beginning with a return to territorial observation, similar to scientific research in which the role of narrative is central, attention to the environment and all its components gives rise to hybrid series supported by photographic gestures of writing and sometimes performance. Somewhere between documentary and fiction, with an added sensitivity to the organisation of the territory, the research is rooted in the circulation of soil and water (droughts, floods, forests, construction, distribution and privatisation) and in the relations of communication and tension between the living and non-living spheres of the world.
Drawing a link between the origins of photography and its devices and the military environment, his observation of the surrounding landscape becomes a means of making these elements visible and sensitive by playing with the mechanics of his medium. Her work moves back and forth between analogue and digital techniques, reusing materials taken from the very places photographed, from workshop scraps or department store waste. It's an invitation to look at her objects, which she calls 'hybrids', in a way that is both contemplative and critical, and to reflect on the environmental and social issues they raise. From the forests of the Morvan, to the construction of large housing estates in the 1960s, to the building of hydroelectric dams in the Iberian Peninsula under Franco's regime, to the exile of families, transmission and care become a breath of fresh air in a search for the resistance of the sensitive, for the urgency of a photographic habitat.