“Si les oiseaux ne chantent plus (Jade Maily), alors qu’ils sont en cage, c’est que la mue des artistes s’opère et que les mots blancs se sont substitués aux formes de marbre mises en cage par Marcel Duchamp. Un monde arraché au privé, digne de paraître.”
Philippe Bazin
Exposition Les oiseaux ont cessé de chanter, Galerie Interface, Dijon, 2018Texte entier ︎
“De la photographie à la vidéo en passant par l’écriture, la pratique de Jade Maily se nourrit autant d’expériences personnelles que de rencontres avec un environnement et ses constituants. Elle crée ainsi des récits sensibles attentifs à l’organisation du territoire et aux rapports qui s’opèrent entre les règnes du vivant et du non-vivant. L’observation du paysage qui l’entoure (forêts ou coursives au bas de grands ensembles) et ses investigations deviennent le moyen de rendre visibles et dicibles ses composants, attentive aux « résistances du sensible ».
Les images photographiques qu’elle produit peuvent prendre forme selon des modalités différentes. L’oeuvre exposée, associant une image imprimée sur une bâche anti-vent à une visionneuse à négatifs de pellicule montrant cette même image, convoque à la fois un objet d’usage dans sa fonction d’abri- pour se couvrir, se nourrir, se protéger - et une machine à voir. Elle propose ainsi une interrogation sur l’exactitude de ce qui nous est donné à voir selon les conditions d’apparition de l’image, et brouille les certitudes sur les conditions de perception de l’image tout autant qu’elle invite à nous interroger autour de l’autorité de l’image photographique. À cela s’ajoute les conditions même du territoire photographie -la forêt porte également ces ambiguïtés (terres de luttes, de liens et ancrées dans un imaginaire commun). L’objet -la bâche-, étant lui-même image et porteur par associations d’idée de nombreuses images, active cette question même du regard. Et se déploient ainsi les multiples rapports que l’image photographique entretient à la supposée vérité, ainsi qu’à sa puissance de fascination et à ses dangers. Rapports autant interrogés qu’inquiétés par le va-et-vient entre l’image-objet, l’abri-image et l’image-abri.”
Texte co-écrit avec Nicolas Feodoroff, commissaire et critique, FID Marseille pour l’exposition La Relève IV-Veiller au Centre Photographique Marseille, 2022
À Ontur, au sud de l'Espagne, il est rare de visiter la maison des villageois sans trouver de canaris en cage qui leur tiennent compagnie. Une vidéo confronte l'histoire d'Anne-Marie et sa famille, leur exil, à celle des canaris et leur origine. Entre découverte de nouveau territoires et êtres en mouvement, des changements en découlent : des rapports de pouvoir, d’origine, de silences. Comment mieux donner à penser la proposition de Jade Maily qu’en examinant le texte de sa vidéo fondatrice de son projet en Espagne, car tout y est.
À travers la vie de l’oiseau se déploient l’exil, le travail en émigration, l’histoire d’un pays de navigateurs, l’histoire d’une famille, celle de Jade Maily, la question des terres et de l’eau, cruciale actuellement dans un pays voué au tourisme mais qui souffre de sécheresse alors que
ses produits de l’industrie maraîchère inondent l’Europe entière. C’est par le paysage que ces questions sont abordées par Jade Maily, paysages du village et ses abords défigurés par la construction inutile d’un barrage qui jamais ne servira. Mais de cette inutilité nait un nouveau
paysage qui interroge : il semble métonymique du devenir d’un village et d’un pays dont les racines, pourtant très présentes, ont disparu dans les sables du barrage : « 10 ans après, retour dans le village de ma grand-mère où j'ai passé la plupart de mes étés d’enfant. Depuis, le paysage a changé, les terres sont devenues serres. Le barrage à eau est toujours là. Construit un an après ma naissance, ma grand-mère n'a jamais vu d'eau à cet endroit. J'ai appris par
Joséphine, une amie à elle, que 40% des barrages en Espagne ne sont pas fonctionnels car il n'y a plus d'eau. Ces photographies sont issues de cet endroit, au pied des collines, un paysage désert, mêlé aux infrastructures humaines. Il n'y a personne. Personne ne vient jamais ici. Des arbres et autres espèces végétales semblent résister à ce territoire qui est signalé comme toxique ou dangereux (panneaux d'interdiction, désert, sécheresse). Beaucoup d'amandiers, car ils peuvent pousser sur des sols avec peu d'eau. Il y a des animaux aussi, que l'ont peut
apercevoir, mais surtout entendre. Lorsqu'on continue dans les vallées, souvent par les chemins de promenades de ma grand-mère et ses amies, on peut se retrouver face à d’autres réservoirs d'eau. Les photographies se fondent sur un retour d'observation des tensions qui existent et subsistent dans le village, de l'influence de l'Europe, des mutations des territoires... »
Philippe Bazin
Exposition Les oiseaux ont cessé de chanter
Théâtre Nationale de Fécamp (Normandie) FR
2019
Philippe Bazin
Exposition Les oiseaux ont cessé de chanter, Galerie Interface, Dijon, 2018Texte entier ︎
“De la photographie à la vidéo en passant par l’écriture, la pratique de Jade Maily se nourrit autant d’expériences personnelles que de rencontres avec un environnement et ses constituants. Elle crée ainsi des récits sensibles attentifs à l’organisation du territoire et aux rapports qui s’opèrent entre les règnes du vivant et du non-vivant. L’observation du paysage qui l’entoure (forêts ou coursives au bas de grands ensembles) et ses investigations deviennent le moyen de rendre visibles et dicibles ses composants, attentive aux « résistances du sensible ».
Les images photographiques qu’elle produit peuvent prendre forme selon des modalités différentes. L’oeuvre exposée, associant une image imprimée sur une bâche anti-vent à une visionneuse à négatifs de pellicule montrant cette même image, convoque à la fois un objet d’usage dans sa fonction d’abri- pour se couvrir, se nourrir, se protéger - et une machine à voir. Elle propose ainsi une interrogation sur l’exactitude de ce qui nous est donné à voir selon les conditions d’apparition de l’image, et brouille les certitudes sur les conditions de perception de l’image tout autant qu’elle invite à nous interroger autour de l’autorité de l’image photographique. À cela s’ajoute les conditions même du territoire photographie -la forêt porte également ces ambiguïtés (terres de luttes, de liens et ancrées dans un imaginaire commun). L’objet -la bâche-, étant lui-même image et porteur par associations d’idée de nombreuses images, active cette question même du regard. Et se déploient ainsi les multiples rapports que l’image photographique entretient à la supposée vérité, ainsi qu’à sa puissance de fascination et à ses dangers. Rapports autant interrogés qu’inquiétés par le va-et-vient entre l’image-objet, l’abri-image et l’image-abri.”
Texte co-écrit avec Nicolas Feodoroff, commissaire et critique, FID Marseille pour l’exposition La Relève IV-Veiller au Centre Photographique Marseille, 2022
À Ontur, au sud de l'Espagne, il est rare de visiter la maison des villageois sans trouver de canaris en cage qui leur tiennent compagnie. Une vidéo confronte l'histoire d'Anne-Marie et sa famille, leur exil, à celle des canaris et leur origine. Entre découverte de nouveau territoires et êtres en mouvement, des changements en découlent : des rapports de pouvoir, d’origine, de silences. Comment mieux donner à penser la proposition de Jade Maily qu’en examinant le texte de sa vidéo fondatrice de son projet en Espagne, car tout y est.
À travers la vie de l’oiseau se déploient l’exil, le travail en émigration, l’histoire d’un pays de navigateurs, l’histoire d’une famille, celle de Jade Maily, la question des terres et de l’eau, cruciale actuellement dans un pays voué au tourisme mais qui souffre de sécheresse alors que
ses produits de l’industrie maraîchère inondent l’Europe entière. C’est par le paysage que ces questions sont abordées par Jade Maily, paysages du village et ses abords défigurés par la construction inutile d’un barrage qui jamais ne servira. Mais de cette inutilité nait un nouveau
paysage qui interroge : il semble métonymique du devenir d’un village et d’un pays dont les racines, pourtant très présentes, ont disparu dans les sables du barrage : « 10 ans après, retour dans le village de ma grand-mère où j'ai passé la plupart de mes étés d’enfant. Depuis, le paysage a changé, les terres sont devenues serres. Le barrage à eau est toujours là. Construit un an après ma naissance, ma grand-mère n'a jamais vu d'eau à cet endroit. J'ai appris par
Joséphine, une amie à elle, que 40% des barrages en Espagne ne sont pas fonctionnels car il n'y a plus d'eau. Ces photographies sont issues de cet endroit, au pied des collines, un paysage désert, mêlé aux infrastructures humaines. Il n'y a personne. Personne ne vient jamais ici. Des arbres et autres espèces végétales semblent résister à ce territoire qui est signalé comme toxique ou dangereux (panneaux d'interdiction, désert, sécheresse). Beaucoup d'amandiers, car ils peuvent pousser sur des sols avec peu d'eau. Il y a des animaux aussi, que l'ont peut
apercevoir, mais surtout entendre. Lorsqu'on continue dans les vallées, souvent par les chemins de promenades de ma grand-mère et ses amies, on peut se retrouver face à d’autres réservoirs d'eau. Les photographies se fondent sur un retour d'observation des tensions qui existent et subsistent dans le village, de l'influence de l'Europe, des mutations des territoires... »
Philippe Bazin
Exposition Les oiseaux ont cessé de chanter
Théâtre Nationale de Fécamp (Normandie) FR
2019
Placé
entre documentaire et fiction, le travail photographique et vidéo de
Jade Maily envisage le paysage comme le lieu de révélation des
rapports conflictuels qu’entretiennent l’homme et la nature.
Liant des problématiques, écologiques, politiques et économiques à
des narrations plus biographiques, son œuvre explore les notions de
migration, de résistance, de toxicité ou encore de parasitisme. De
fragment en vides, la poésie sèche de ses images autorise la
construction de récits et de projections plus personnelles, amorces
d’une réflexion sur l’emprise de l‘homme sur l’environnement.
Sous une apparente neutralité, qui en appelle au premier abord à un
regard contemplatif, ses images n’en véhiculent pas moins un
regard critique. Dans ses projets réalisés en forêt, l’artiste
propose de prendre la photographie comme le moyen de rendre sensible
l’entropie du monde, de questionner notre usage de la nature et le
chaos auquel nous l’avons promis.
Sa Photographie témoin d'un écran d'un arrêt sur image d'une vidéo performative d'une expérience d'échecs qui n'existe pas dans la forêt décrit un champ de bataille saisi en noir et blanc, et apparaît d’emblée comme un contre-exemple à son esthétique documentaire. Dans ces cette scène chaotique et visiblement surexposée, où les traces humaines, animales et végétales s’indifférencient, la forêt apparaît blessée, brûlée ou abandonnée, potentiellement saisie après une catastrophe. A travers cette œuvre expérimentale, Jade Maily met également en question l’objectivité de son propre dispositif technique : la superposition et l’accumulation des supports multiplient ainsi les médiatisations face au réel pour mieux questionner la légitimité de l’artiste à en rendre compte. Le diptyque Champ de bataille reproduit quant à lui deux fois la même image (une clairière bordée d’arbres filandreux aux allures spectrales), l’une étant le négatif de l’autre sans que l’on puisse déterminer au premier regard laquelle des deux est l’originale. Les contrastes inversement marqués dans l’une et dans l’autre, leur conférant un rendu proche de l’imagerie médicale, dédoublent en effet le point de vue sur un seul paysage, de telle sorte que le public peut faire l’épreuve d’un changement de regard qui met en doute la réalité de ce qu’il voit. En haute définition et en grand format, elles en appellent toutes deux à un regard patient et attentif aux détails, comme un jeu des sept erreurs qui invite le regard à une errance, et par ce biais, à la révision de ses certitudes sensibles.
Florian Gaité, 2019 pour l’exposition A Forest, Musée des Beaux-Arts de Dole.
Dans le travail de Jade Maily, la nature est moins un objet de représentation qu’un moyen d’interroger l’humain. Partant du postulat d’une continuité entre les différents règnes, elle pense la coïncidence de leurs organisations, c’est-à-dire de l’ensemble des rapports de domination, de solidarité, de communication ou encore de transmission communs aux hommes, aux animaux et aux végétaux. Ses œuvres, déclinées dans des formes vidéo, photographiques et plastiques, font ainsi dialoguer nature et culture, mais pour mieux prendre la mesure de l’écart qui s’est creusé entre elles. Sous une apparence naturaliste, elles articulent donc une dimension poétique à un fond plus politique, opérant un glissement entre « rendre sensible » le monde et « sensibiliser » à ses dysfonctionnements. A charge alors pour le spectateur d’opérer ce déplacement ou au contraire de se maintenir en surface, dans une attitude purement contemplative.
Le choix de l’esthétique naturaliste — le spectacle des terres d’Ecosse ou d’une forêt d’hêtres — opère à première vue comme une mise à distance proprement neutralisante dans laquelle Jade Maily s’efface et offre au spectateur l’occasion d’un refuge. Lorsqu’elle pose la question « Dans un monde où tout est bruit, où trouve-t-on le silence ? », il s’agit même pour elle de faire du paysage un point d’accès à l’infini, de proposer à la vue un asile salutaire qui se suffit à lui-même. Entre territoire rural et espace urbain, il lui importe de rappeler combien le lien à l’environnement constitue, aujourd’hui plus que jamais, un puissant remède à la solitude des individus contemporains.
A rebours encore de tout discours explicitement politique, l’écriture intervient comme le moyen d’une mise en narration poétique qui emprunte explicitement ses codes à la fiction. La convocation de personnages et la stratégie de l’adresse directe au public créent ainsi une relation d’empathie qui l’implique plus directement, tout en déréalisant le sujet que ses œuvres abordent. Le recours au registre poétique lui permet également de faire parler l’absence, le non-dit et l’indicible, en regard desquels le souffle — motif privilégié, placé entre désir de respirer et impression de suffoquer — apparaît finalement comme une réponse appropriée. Face à l’urgence de la situation écologie, Jade Maily congédie ainsi tout discours alarmiste au profit d’une forme allusive et suggestive, toute en douceur et subtilité, qui laisse le libre choix au public de se positionner.
Sans s’inscrire dans une démarche militante, Jade Maily pose pourtant les conditions d’un regard critique sur la question écologique, sensible aux thèmes de la déforestation, du changement climatique ou de la pollution visuelle. Elle part le plus souvent d’une expérience personnelle pour ouvrir à des problématiques plus directement politiques, l’histoire biographique étant toujours pensée comme un symptôme de la grande Histoire. Aussi la rencontre avec un forestier devient-elle l’occasion d’évoquer l’assèchement des cours d’eau, et la découverte d’une antenne 4G derrière la maison celle de méditer sur les implications sanitaires des ondes téléphoniques. Avec la vidéo Les oiseaux ont cessé de chanter, elle pousse plus en avant ce principe en organisant le dialogue entre un tableau animalier — des canaris en cage — et le récit de la migration de sa grand-mère qui a fui le franquisme, une façon concise et vibrante de rappeler l’égalité des êtres face au désastre, et l’urgence de former une communauté unie des vivants pour y répondre.
Florian Gaité, 2017
Sa Photographie témoin d'un écran d'un arrêt sur image d'une vidéo performative d'une expérience d'échecs qui n'existe pas dans la forêt décrit un champ de bataille saisi en noir et blanc, et apparaît d’emblée comme un contre-exemple à son esthétique documentaire. Dans ces cette scène chaotique et visiblement surexposée, où les traces humaines, animales et végétales s’indifférencient, la forêt apparaît blessée, brûlée ou abandonnée, potentiellement saisie après une catastrophe. A travers cette œuvre expérimentale, Jade Maily met également en question l’objectivité de son propre dispositif technique : la superposition et l’accumulation des supports multiplient ainsi les médiatisations face au réel pour mieux questionner la légitimité de l’artiste à en rendre compte. Le diptyque Champ de bataille reproduit quant à lui deux fois la même image (une clairière bordée d’arbres filandreux aux allures spectrales), l’une étant le négatif de l’autre sans que l’on puisse déterminer au premier regard laquelle des deux est l’originale. Les contrastes inversement marqués dans l’une et dans l’autre, leur conférant un rendu proche de l’imagerie médicale, dédoublent en effet le point de vue sur un seul paysage, de telle sorte que le public peut faire l’épreuve d’un changement de regard qui met en doute la réalité de ce qu’il voit. En haute définition et en grand format, elles en appellent toutes deux à un regard patient et attentif aux détails, comme un jeu des sept erreurs qui invite le regard à une errance, et par ce biais, à la révision de ses certitudes sensibles.
Florian Gaité, 2019 pour l’exposition A Forest, Musée des Beaux-Arts de Dole.
Dans le travail de Jade Maily, la nature est moins un objet de représentation qu’un moyen d’interroger l’humain. Partant du postulat d’une continuité entre les différents règnes, elle pense la coïncidence de leurs organisations, c’est-à-dire de l’ensemble des rapports de domination, de solidarité, de communication ou encore de transmission communs aux hommes, aux animaux et aux végétaux. Ses œuvres, déclinées dans des formes vidéo, photographiques et plastiques, font ainsi dialoguer nature et culture, mais pour mieux prendre la mesure de l’écart qui s’est creusé entre elles. Sous une apparence naturaliste, elles articulent donc une dimension poétique à un fond plus politique, opérant un glissement entre « rendre sensible » le monde et « sensibiliser » à ses dysfonctionnements. A charge alors pour le spectateur d’opérer ce déplacement ou au contraire de se maintenir en surface, dans une attitude purement contemplative.
Le choix de l’esthétique naturaliste — le spectacle des terres d’Ecosse ou d’une forêt d’hêtres — opère à première vue comme une mise à distance proprement neutralisante dans laquelle Jade Maily s’efface et offre au spectateur l’occasion d’un refuge. Lorsqu’elle pose la question « Dans un monde où tout est bruit, où trouve-t-on le silence ? », il s’agit même pour elle de faire du paysage un point d’accès à l’infini, de proposer à la vue un asile salutaire qui se suffit à lui-même. Entre territoire rural et espace urbain, il lui importe de rappeler combien le lien à l’environnement constitue, aujourd’hui plus que jamais, un puissant remède à la solitude des individus contemporains.
A rebours encore de tout discours explicitement politique, l’écriture intervient comme le moyen d’une mise en narration poétique qui emprunte explicitement ses codes à la fiction. La convocation de personnages et la stratégie de l’adresse directe au public créent ainsi une relation d’empathie qui l’implique plus directement, tout en déréalisant le sujet que ses œuvres abordent. Le recours au registre poétique lui permet également de faire parler l’absence, le non-dit et l’indicible, en regard desquels le souffle — motif privilégié, placé entre désir de respirer et impression de suffoquer — apparaît finalement comme une réponse appropriée. Face à l’urgence de la situation écologie, Jade Maily congédie ainsi tout discours alarmiste au profit d’une forme allusive et suggestive, toute en douceur et subtilité, qui laisse le libre choix au public de se positionner.
Sans s’inscrire dans une démarche militante, Jade Maily pose pourtant les conditions d’un regard critique sur la question écologique, sensible aux thèmes de la déforestation, du changement climatique ou de la pollution visuelle. Elle part le plus souvent d’une expérience personnelle pour ouvrir à des problématiques plus directement politiques, l’histoire biographique étant toujours pensée comme un symptôme de la grande Histoire. Aussi la rencontre avec un forestier devient-elle l’occasion d’évoquer l’assèchement des cours d’eau, et la découverte d’une antenne 4G derrière la maison celle de méditer sur les implications sanitaires des ondes téléphoniques. Avec la vidéo Les oiseaux ont cessé de chanter, elle pousse plus en avant ce principe en organisant le dialogue entre un tableau animalier — des canaris en cage — et le récit de la migration de sa grand-mère qui a fui le franquisme, une façon concise et vibrante de rappeler l’égalité des êtres face au désastre, et l’urgence de former une communauté unie des vivants pour y répondre.
Florian Gaité, 2017